LI BERICLE DE VASCÒLES LUNETTES DE VASCO
Pèr èstre un brave chin, lou siès, ségur Vascò !Pour être un honnête chien, tu l'es, bien sûr, Vasco !
Emé tant de biais portes roupoAvec tant de biais tu portes souquenille
De sedo negro sus la croupo,De soie noire sur ta croupe
E boulegues tant bèn lou rampau de ta coEt tu remues si bien la houppe de ta queue
Quand tubo davans tu l'escudello de soupo !Quand fume devant toi l'écuelle de soupe !
Res dira pas de noun : o siés un bèu chinas,Personne ne dira non : oui, tu es un beau gros chien,
Emé l'auriho que tirassoAvec l'oreille qui traîne
Si frisoun de longo filasso,Ses frissons de longue filasse,
Emé lou pitre rous d'un rigau, e lou nasAvec la poitrine rousse d'un rouge-gorge, et le nez
Grana, negre, lusènt ansin qu'uno rabasso.Grenu, noir, luisant comme une truffe.
Acò 's rèn. As bèn miés. Sus tis iue parpelous,Ce n'est rien. Tu as bien mieux. Sur tes yeux à fortes paupières,
Bounias e pensatiéu, te vese,Bonnasses et pensifs, je te vois
En liogo d'usso, dous gros ceseEn guise de sourcils, deux gros pois chiches
En belugo de fiò , dos taco de péu rous.En étincelles de feu, deux taches de poil roux.
Es li bericle d'or d'un filousofe, crese.Ce sont les lunettes d'or d'un philosophe, je crois.
Lou sariés, filoùsofe ? O, lou siés, e bessaiLe serais-tu philosophe ? Oui, tu l'es, et peut-être
Dounariés leiçoun à toun mèstreDonnerais-tu leçon à ton maître
Pèr se trufa dis escaufèstrePour se moquer des mésaventures
E di marrìdi gènt. Sènso ni houi ! ni hai !Et des mauvaises gens. Sans ni hoï ! ni haï !
Autant vite que iéu rejougnes sant Sivèstre.Aussi vite que moi tu rejoins saint Sylvestre.
Se l'embourigo es caudo e se lou vèntre es plen,Si le nombril est chaud et si le ventre est plein,
Que t'enchau l'emboui de la vido !Que t'importent les embarras de la vie !
La ventresco en round espandido,La bedaine en rond étalée,
Lou nas souto la co, mesclant li dous alen,Le nez dessous la queue, mélangeant les deux souffles,
Di chavano dóu jour espères la finido.Des bourrasques du jour tu attends la fin.
Atèndes paciènt, roupihes tranquilas ;Tu attends patient, tu somnoles tranquille ;
E se perfés de la racaioEt si, parfois, de la racaille
Lou cop de pèiro te travaioLe coup de pierre te travaille
Li costo, acò 's pas rèn : pèr suprème soulas,Les côtes, ce n'est rien : pour suprême consolation,
Alor, la pato en l'èr, coumpisses la muraio.Alors la patte en l'air, tu compisses la muraille.
Aquelo pato en l'èr, signe de toun mesprésCette patte en l'air, signe de ton mépris
Dis auvàri de la vidasso,Des accidents de la vie dure,
En sagesso, crèi-me, despassoEn sagesse, crois moi, dépasse
Tout ço que lis ancian jamai nous an arprés :Tout ce que les anciens jamais nous ont appris :
Vaqui coume dóu mau lou boulet se tirasso.Voilà comme du mal se traîne le boulet.
Vaqui, moun filousofe, uno responso au mauQuant au mal, mon philosophe, voilà une réponse
Que toun mèstre souvènt envejo.Que ton maître souvent envie.
Aro que l'aveni negrejo,Maintenant que l'avenir s'assombrit,
Dins ti bericle d'or laisso-me vèire un pauDans tes lunettes d'or laisse-moi voir un peu
Lou mounde enebria d'un vinas qu'amarejo.Le monde enivré d'un gros vin qui tourne à l'amer.