Jean-Henri FABRE 

Oubreto prouvençalo dóu Felibre di Tavan


LOU SEMENAIRELE SEMEUR


Soulenne coume un diéu, l'ome à braio sarcido,Solennel comme un dieu, l'homme à braies ravaudées,

L'ome à large pitre pelous,L'homme à large poitrine velue,

Lou noble espeiandra, lou baroun di caussido,Le noble loqueteux, le baron des chardons,

Lou semenaire, usso frounsidoLe semeur, sourcils froncés

E péu esfoulissa sus lis iue parpelous,Et cheveux ébouriffés lui descendant sur les paupières,


Brassejo dins li champ. La ventrudo boudougnoGesticule dans les champs. La bosse ventrue

D'un sa plen ié pendoulo au còu.D'un sac plein lui pend au cou.

A-de-rèng, di dos man, au founs de la besougno,A tour de rôle, des deux mains, au fond de la chose,

L'ome pesco, espandis si pougnoL'homme puise ; il étale ses poings

D'un gèste d'emperaire e benesis lou soù.D'un geste d'empereur et il bénit le sol.


Ansin quand sus l'autar lou gros cire s'atubo,Ainsi quand sur l'autel le gros cierge s'allume,

Lou bèu jour de Pasco vengu ;Le beau jour de Pâques venu ;

Quand l'ourgueno brusis, pious ; quand l'encèns tuboQuand l'orgue bruit, pieux ; quand l'encens fume

E d'un blu nivoulun estuboEt d'une nuée bleue parfume

Lou front clin di fidèu, tremoulant, esmougu ;Le front penché des fidèles, émus et tremblants ;


L'evesque tout-dun-tèms s'aubouro, mitro en tèsto,L'évêque soudain se dresse, mitre en tête,

Crosso en man, lou det anelaCrosse en main, le doigt annelé

D'ametisto ; un moumen, majestuous, d'un gèstoD'améthyste ; un moment, majestueux, d'un geste

De soun det, pèr coumpli la fèsto,De son doigt, pour terminer la fête,

Fai uno crous d'amount, d'avau, d'eici, d'eilaIl fait une croix en haut, en bas, d'ici, de là.


Lou pountife, ufanous dins sa glòri, semenoLe pontife, magnifique en sa gloire, sème

L'apasimen ; dins li cor lasL'apaisement ; dans les coeurs las

Vuejo la santo eigagno, e de soun signe ameno,Il verse la sainte rosée, et de son signe amène,

Pèr li lagno de touto meno,Pour les soucis de tout genre,

Un brigoun d'ideau, lou supreme soulas.Un peu d'idéal, suprême soulagement.


L'autre, l'espeiandra, pountife à braio routo,L'autre, le loqueteux, pontife à culotte délabrée,

A pèr gros cire lou soulèu,A pour gros cierge le soleil,

Lou luminari d'or que dardaio à la voutoLe luminaire d'or qui resplendit à la voûte

Dóu tèmple, e fegoundo li moutoDu temple, et féconde les mottes

Emé li rai de soun escalustrant calèu.Avec les rayons de son éblouissant lampion.


A lou cèu azuren pèr autar. Sa capello,Il a le ciel azuré pour autel. Sa chapelle,

Tapissado de satin blu,Tapissées de satin bleu,

dòu sublime velout di nivo s'enmantello ;Du sublime velours des nuées se recouvre ;

E la viholo dis etalloEt la veilleuse des étoiles

Davans lou tabernacle atubo si belu.Devant le tabernacle allume ses lueurs.


Pèr ourgueno a lou tron, la fourmidablo bassoPour orgue, il a le tonnerre, la formidable basse

Que brusis li inne sacra,Qui bruit les hymnes sacrées,

Quand l'aurige se found en plueio tousco, e passoQuand l'orage se résout en pluie tiède, et passe

Espoumpissènt li terro lassoImbibant les terres fatiguées

E revihant li germe en si lachun sucra.Et réveillant les germes en leurs laitages sucrés.


E de mignot clerjoun, à la voues mistoulino,Et de mignons enfant de choeur, à douce voix,

Fan : alleluia, riéu-piéu-piéu !Font : alleluia, riéu-piéu-piéu !

Quinsoun e seresin, bouscarlo e cardelinoPinson et serin, fauvette et chardonneret

Que porto roujo capelino,Qui porte rouge capeline,

Bresihon si moutet à la glòri de Diéu.Brésillent leurs motets à la gloire de Dieu.


Per encèns, dins li flour en liogo de naveto,Pour encens, dans le fleurs en guise de navettes,

Se soun amassa de perfumSe sont amassés des parfums

Que lis encensié d'or, dins si canesteletoQue les encensoirs d'or, dans leurs petites corbeilles

Escrincelado e pendouleto,Ciselées et pendantes,

Enauron douçamen sènso ni fiò ni fum.Exhalent doucement sans feu ni fumée.


Gousié meravihous, subran la couquihado,Gosier merveilleux, soudain l'alouette huppée,

Finido soun AdouraciounFinie son Adoration

Au nis, part, tout dre mounto ansin qu'uno fusado,Au nid, part, tout droit monte ainsi qu'une fusée ;

Mounto en cantant, pièi enaussado,Elle monte en chantant ; puis, élevée,

Invesiblo, amoundaut siblo l'Elevacioun.Invisible, là haut elle siffle l'Élévation.


De l'evesque, à respèt, qu'es la magnificenço !De l'évêque, en comparaison, qu'est la magnificence !

L'autre, emé la taiolo i ren,L'autre, avec la ceinture rouge aux reins,

A tout pèr éu, alor qu'en brassejant coumençoA tout pour lui, alors qu'en gesticulant il commence

Lou sant óufice di memençoLe saint office des semences

Que fai de pan pèr l'ome, e pèr l'ase de bren.Qui fait du pain pour l'homme, et pour l'âne du son.