Telle qu'elle est habituellement, la lumière est blanche ; mais elle peut se décomposer en rayons élémentaires dont les couleurs sont violet, indigo, bleu, vert, jaune, orangé, rouge. La réunion de toutes ces couleurs forme le blanc.

Prenez le premier morceau venu de verre taillé à facettes, et, à travers ce morceau de verre, regardez le jour d'une fenêtre ou la flamme d'une lampe. Vous verrez là les sept couleurs de la lumière blanche vous aurez ramené la lumière de la lampe à ses rayons élémentaires, en lui faisant traverser une partie du verre façonné en coin.

L'arc-en-ciel nous présente, de temps en temps, le beau spectacle des sept couleurs de la lumière, disposées en forme d'arche immense, dont les pieds touchent à terre et dont la voûte monte dans les hauteurs du ciel, Ce pont merveilleux est un jeu de lumière ; il est formé par les rayons du soleil qui se décomposent dans les gouttes de pluie, de même qu'ils se décomposent en traversant un verre à facettes.

L'arc-en-ciel se montre à la fin d'un orage, quand le soleil reparaît. Pour le voir, il faut se trouver entre le soleil qui brille et un nuage se résolvant en pluie. Alors les rayons solaires se rendent aux gouttes de pluie tombant à une distance quelconque en face de l'observateur, s'y décomposent en leurs éléments colorés, s'y réfléchissent et reviennent à l'observateur revêtus de splendeurs nouvelles par cette décomposition. L'arc-en-ciel ne peul être vu de toutes les positions indifféremment. En le contemplant, le désir ne vous est-il jamais venu d'accourir, pour l'observer de plus près, là où sa base paraît reposer sur le sol ?

CLAIRE. — Un jour je le voyais tout près, et j'aurais bien voulu me rendre au pied du magnifique pont pour bien voir comment il est fait. La crainte de la pluie m'en empêcha.

AURORE. — Si vous obéissez un jour à ce désir, une déception vous attend. Quand vous arriverez sur les lieux où vous le voyiez d'abord, l'arc-en-ciel n'y sera plus ; vous ne trouverez qu'une fumée grise, pluvieuse. L'arc-en-ciel n'y sera plus et il y aura cependant tout ce qu'il faut pour le former, rayons de soleil et chute de gouttes de pluie ; mais vous ne pourrez plus le voir parce que vous ne serez pas à la place voulue.

Pour le voir, il faut de toute nécessité se trouver entre le soleil et le nuage pluvieux. L'arc-en-ciel apparaît alors de telle sorte que le soleil, la tête de l'observateur et le centre du cercle dont cet arc fait partie se trouvent exactement sur une même ligne droite. C'est vous dire que divers observateurs étant éloignés l'un de l'autre et placés dans des conditions favorables, chacun d'eux voit un arc-en-ciel différent, invisible pour les autres.

MARIE. — Pour voir l'arc-en-ciel, dites-vous, il faut absolument avoir derrière soi le soleil, et la pluie devant. Alors ceux qui se trouvent à côté du nuage pluvieux, ou sous le nuage même, ou par delà, ne le voient pas ?

AURORE. — En aucune manière. L'arc-en-ciel, pour se montrer, exige un point de vue particulier ; hors de ce point de vue, le superbe pont de lumière n'existe plus. Les couleurs de l'arc-en-ciel sont les sept couleurs de la lumière blanche. Le rouge est au dehors de l'arc le violet, à l'intérieur. Quelquefois l'arc est double. Le second arc, placé en dehors du premier, est plus faible, et ses couleurs sont disposées dans un ordre inverse le rouge en dedans, le violet en dehors.

AUGUSTINE. — On dit que l'arc-en-ciel annonce la fin de la pluie.

AURORE. — La pluie cesse, en effet, habituellement lorsque l'arc-en-ciel se montre. Et il ne peut en être autrement, puisque l'apparition de l'arc lumineux n'a lieu qu'à la condition expresse que le soleil brille. Il est tout clair que si le soleil luit au moins dans une partie du ciel, la pluie s'en va plus loin et l'orage touche à sa fin pour le point où l'on est.

On peut aisément se convaincre par l'expérience que l'arc-en-ciel est réellement produit par les gouttes de pluie, qui renvoient la lumière solaire vers l'observateur après l'avoir décomposée. Il suffit de tourner le dos au soleil et de se mettre en face d'un jet d'eau ou d'une cascade retombant en pluie fine. Immédiatement on voit apparaître un arc plus ou moins complet, avec les sept teintes de la lumière.

source : Jean-Henri Fabre, Aurore, 1874