Un peu avant de Romas, Franklin faisait, aux Etats-Unis de l'Amérique du Nord, de semblables recherches sur la nature de la foudre. Benjamin Franklin était le fils d'un pauvre fabricant de savon. Il trouva dans la maison paternelle tout juste les ressources nécessaires pour apprendre à lire, à écrire et à compter ; et cependant il devint par sa science l'un des hommes les plus remarquables de son époque. C'est à lui que nous devons l'invention du paratonnerre.

C'est une longue et forte tige de fer pointue, implantée au sommet de l'édifice que l'on veut défendre de la foudre. De sa base part une grosse tringle, également en fer, qui longe le toit et les murs, où elle est fixée par des crampons, et plonge dans le sol humide ou mieux dans l'eau d'un puits profond. Si la foudre éclate, elle tombe sur le paratonnerre, qui est l'objet le plus voisin des nuages et en outre le plus apte à laisser circuler l'électricité à cause de sa nature métallique. D'ailleurs sa forme pointue est pour beaucoup dans son efficacité protectrice. La foudre qui atteint le paratonnerre suit le conducteur en métal, et va se dissiper dans les profondeurs du sol sans produire de dégâts.

La décharge électrique, soit d'un nuage à l'autre, soit entre un nuage et la terre, produit une longue étincelle ou trait de feu sinueux que l'on nomme la foudre. Le bruit résultant de cette explosion, c'est le tonnerre ; et la subite illumination que jette l'étincelle électrique s'appelle l'éclair. En général, vous ne connaissez que la lueur soudaine et le fracas de l'explosion, l'éclair et le tonnerre. Pour voir la foudre elle-même, il faut vaincre une frayeur que rien ne motive et regarder attentivement les nuées, centre de l'orage. D'un moment à l'autre, on voit alors serpenter un trait éblouissant, simple ou ramifié, et d'une forme sinueuse très-irrégulière ce ruban de feu est l'étincelle électrique.

C'est bien le plus imposant spectacle que celui d'un ciel orageux, rougi des feux de l'éclair et plein du roulement du tonnerre. Et cependant, lorsque, au sein des nuées, flamboie la foudre et retentit le fracas de l'explosion, une folle frayeur vous domine ; l'admiration n'a plus de place en votre esprit, et vos yeux terrifiés se ferment à la magnificence des phénomènes électriques de l'atmosphère, qui racontent avec tant d'éloquence la majesté des œuvres de Dieu. De votre cœur, glacé de crainte, aucun élan de reconnaissance ne monte, car vous ignorez qu'en ce moment, aux lueurs de l'éclair, au fracas de l'averse, du tonnerre et des vents déchaînés, un grand acte providentiel s'accomplit.

La foudre, en effet, est une cause de vie bien plus qu'une cause de mort. Malgré les rares accidents qu'elle occasionne, obéissant en cela aux décrets impénétrables de Dieu, elle est un des plus puissants moyens que la Providence mette en œuvre pour assainir l'atmosphère, pour débarrasser l'air que nous respirons des exhalaisons malsaines Nous brûlons des torches de paille et de papier dans les appartements dont il faut assainir l'air ; avec ses immenses traits de feu, la foudre remplit un effet analogue dans l'étendue atmosphérique. Chacun de ces éclairs, qui vous font tressaillir de frayeur, est un gage de salubrité générale ; chacun de ces coups de tonnerre, qui vous glacent de crainte, est une preuve du grand travail de purification qui s'opère en faveur de la vie. Et qui ne sait avec quelles délices, après un orage, la poitrine s'emplit d'un air plus pur, alors que l'atmosphère, assainie par les feux de la foudre, donne une nouvelle vie à tout ce qui respire ! Gardons-nous donc d'une folle terreur lorsqu'il tonne, mais élevons notre esprit vers Dieu, de qui le tonnerre et l'éclair ont reçu leur salutaire mission. Rien n'arrive, ne l'oublions jamais, sans la permission de notre Père, qui est dans les cieux. Une respectueuse crainte de Dieu doit en nous exclure toute autre crainte. Examinons alors de sang-froid le danger que la foudre nous fait courir.

Sachons d'abord que la foudre frappe de préférence les points les plus saillants du sol, parce qu'ils sont plus rapprochés des nuages orageux. Les édifices élevés, les tours, les clochers, les grands arbres, sont les points les plus exposés au feu du ciel. En rase campagne, il serait très-imprudent, pendant un orage, de chercher un refuge contre la pluie sous un arbre, surtout s'il est grand et isolé. Si la foudre doit tomber aux environs, ce sera de préférence sur cet arbre, dont la cime avoisine les nuages. Les tristes exemples de personnes foudroyées qu'on déplore chaque année se rapportent, pour la plupart, à de malheureux imprudents abrités de la pluie sous un grand arbre. Essuyons vaillamment l'averse, si l'orage nous surprend dehors, et n'allons jamais chercher sous un arbre un refuge qui pourrait nous être fatal. Méfions-nous encore des édifices élevés, clochers et hautes tours, s'ils ne sont pas armés d'un paratonnerre.

Quant aux autres précautions qu'on est dans l'habitude de recommander, comme de ne pas courir lorsqu'on est surpris par un orage, pour ne pas déplacer l'air violemment, et de fermer les portes et les fenêtres afin d'empêcher les courants d'air, elles n'ont aucune espèce de valeur : la direction que suit la foudre n'est en rien influencée par les mouvements de l'air. Les convois des chemins de fer, qui marchent avec une si grande vitesse et déplacent l'air avec tant de violence, ne sont pas plus exposés à la foudre que les objets immobiles. L'expérience de chaque jour en fait foi.

AUGUSTINE. — Quand il tonne, beaucoup se hâtent de fermer toutes les fenêtres, ainsi que les portes.

AURORE. — Ces personnes se croient en sûreté des qu'elles cessent de voir le péril. On s'enferme pour ne pas voir l'éclair, ne pas entendre le tonnerre, mais cela ne diminue en rien le danger.

CLAIRE. — il n'y a donc pas de précautions à prendre.

AURORE. — Dans les circonstances habituelles, aucune, si ce n'est cette précaution par excellence : avoir le cœur ferme et s'en remettre à la volonté de Dieu.

source : Jean-Henri Fabre, Aurore, 1874