Si cela vous intéresse, je continuerai, avait dit Aurore, en parlant du firmament. Son auditoire, dont l'histoire de la Lune avait vivement piqué la curiosité, lui rappela le lendemain sa promesse, et Aurore, sous les noisetiers du jardin, continua ainsi :

— Autour du Soleil circulent, en compagnie de la Terre, divers globes analogues au nôtre, les uns plus grands, les autres plus petits, ceux-ci plus près, ceux-là plus loin, Tous sont obscurs par eux-mêmes ; et, comme la Terre, ils reçoivent du Soleil leur part de lumière et de chaleur. On leur donne le nom de planètes.

MARIE. — La Terre est alors une planète ?

AURORE. — Oui. Le mot planète signifie errant. En effet, tandis que les étoiles conservent des positions invariables relativement l'une à l'autre, comme si elles étaient enchâssées sur une voûte se mouvant tout d'une pièce de l'est à l'ouest, les planètes, à cause de leur voyage autour du Soleil, se déplacent, errent pour ainsi dire dans le firmament, et, par rapport à notre point de vue, correspondent d'un jour à l'autre à des régions différentes du ciel étoilé. Aujourd'hui, telle planète se trouve au milieu d'un certain groupe d'étoiles ; demain, déplacée par sa rotation autour du Soleil, elle se trouvera dans un autre. C'est à leur position changeante que les planètes se font reconnaître au milieu des étoiles dont l'arrangement reste toujours le même.

Pendant que ces astres voyagent autour du Soleil, d'autres globes, d'importance moindre, tournent autour de quelques-uns d'entre eux en les accompagnant, comme le fait la Lune à l'égard de la Terre. On les appelle des satellites. Ce mot fait allusion au rôle subalterne d'un astre circulant autour d'un autre. Il signifie garde, serviteur. Le globe satellite est effectivement le serviteur de celui qu'il accompagne, il lui réfléchit la lumière du Soleil. Je résumerai ces définitions en disant que la Terre est une planète et que la Lune est son satellite. Le Soleil, avec son cortège de planètes et de satellites, constitue ce que l'on nomme le système solaire.

On connaît huit planètes principales dont voici les noms rangés par ordre de distance à partir du Soleil : Mercure, Vénus, la Terre, Mars, Jupiter, Saturne, Uranus, Neptune. Il y a en outre, entre Mars et Jupiter, une centaine et plus de très-petites planètes, que l'on désigne par le nom général d'astéroïdes. La Terre, Jupiter, Saturne, Uranus et Neptune ont des lunes ou des satellites ; les autres n'en ont point.

Une grande variété règne dans les grosseurs respectives des planètes. Il y en a dont il faudrait une paire de mille pour équivaloir en grosseur à la Terre. Ce sont les astéroïdes. Mercure est bien petit encore : le globe terrestre, s'il était creux, le contiendrait 17 fois pour se remplir. Puis vient Mars, de deux à trois fois plus grand que Mercure ; puis Vénus, à peu près égale à la Terre. Jusqu'ici la suprématie du volume est en faveur de notre globe ; mais plus loin sont des astres colosses. Jupiter a la grosseur de 1,414 globes comme le nôtre réunis en un seul. Une petite cerise comparée à une très-grosse orange, telle est à peu près la Terre comparée à Jupiter. Saturne équivaut à 734 fois le globe terrestre, Uranus à 82 fois et Neptune à 110.

La distance n'est pas moins variable. Il faut 30 fois la distance de la Terre au Soleil ou 30 fois 38 millions de lieues pour mesurer l'éloignement de Neptune, situé aux limites du système solaire ; Mercure, au contraire, n'est éloigné du Soleil que de 15 millions de lieues environ. Entre ces deux extrêmes, les autres planètes sont espacées, chacune avec sa distance particulière.

Pour concevoir dans son ensemble le système solaire et mieux saisir les rapports des distances et des volumes, imaginons la disposition que voici. — Au milieu d'une grande plaine parfaitement unie, nous plaçons une boule de 1 mètre et 12 centimètres de hauteur. Cette sphère, presque dé l'ampleur d'une roue de moulin, représentera le Soleil. Pour figurer Mercure, il faudra déposer sur le sol de la plaine, à 48 mètres de distance de la majestueuse boule, un petit grain de chènevis. Vénus et la Terre seront représentées par deux médiocres cerises, placées, la première à 84 mètres de distance, la seconde à 120. Un petit pois suffira pour la planète Mars, située à 192 mètres de la boule centrale. Les astéroïdes seront figurés par une pincée de sable fin, disséminée ça et là sur un cercle de 336 mètres de rayon en moyenne. Le volumineux Jupiter aura sa place occupée, à 624 mètres d'éloignement, par une très-grosse orange ; et Saturne, distant de 1,200 mètres, par une orange ordinaire. Uranus sera éloigné de 2,352 mètres, plus d'une demi-lieue. Son représentant sera un abricot. Enfin Neptune, distant de près d'une lieue, en nombre exact de 3,600 mètres, aura la grosseur d'une pêche.

A côté de la Terre, de Jupiter, de Saturne, d'Uranus et de Neptune, supposez un ou plusieurs menus grains de plomb pour figurer les satellites de ces planètes ; puis imaginez que le tout circule en rond en des temps inégaux à l'entour de la grosse boule du centre, et vous aurez une représentation assez fidèle du système solaire. La prodigieuse grosseur du Soleil vous apparaît ici sous un nouveau jour. Remarquez combien sont petites, par rapport à la boule centrale, les planètes, les terres circulant à l'entour, pêche, orange, cerise et grain de chènevis.

Pour accomplir son voyage autour du Soleil, chaque planète emploie une période différente, d'autant plus longue que la distance à l'astre central est plus grande. Cette période constitue l'année de la planète.

MARIE. — L'année, pour une planète, est alors le temps qu'elle met pour faire le tour du Soleil ?

AURORE. — Précisément. Mercure fait le tour du Soleil en 88 de nos jours, Vénus en 223, Mars en deux de nos ans, Jupiter en 12 ans, Saturne en 29, Uranus en 84, Neptune en 165. L'année de Mercure vaut donc en durée 88 de nos jours, ce qui donne des saisons de 22 jours, des saisons moindres qu'un seul de nos mois. Neptune emploie 165 de nos années pour son trajet autour du Soleil ; son année équivaut à 165 des nôtres, et un seul de ses printemps, un seul de ses hivers, à 41 ans.

En même temps qu'elle voyage autour du Soleil, chaque planète tourne sur elle-même, ce qui produit, absolument comme pour la Terre, l'alternative du jour et de la nuit. La durée de cette rotation est à peu près de 24 heures pour Mercure, Vénus et Mars. Sur ces planètes, les jours et les nuits ont donc une très-grande analogie avec les nôtres. Jupiter, malgré son énorme volume, est beaucoup plus rapide. En dix heures, il expose à tour de rôle ses flancs aux rayons du Soleil, de sorte que chaque moitié de la planète est éclairée cinq heures, et cinq heures plongée dans l'obscurité. Saturne rivalise avec lui de vitesse il tourne sur lui-même en dix heures et demie.

source : Jean-Henri Fabre, Aurore, 1874