Quand, à la suite d'un refroidissement survenu dans les hauteurs de l'air, la brume des nuages atteint une certaine condensation, des gouttelettes d'eau se forment et tombent en pluie. D'abord fort petites, elles augmentent de volume en route par la réunion d'autres gouttelettes pareilles. Elles nous arrivent donc d'autant plus grosses qu'elles viennent de plus haut, sans dépasser cependant les limites convenables au rôle que la pluie doit remplir. Trop grosses, les gouttes de pluie tomberaient lourdement sur les plantes qu'elles doivent arroser, et les coucheraient à terre toutes meurtries. Et que serait-ce si la condensation des vapeurs, au lieu de se faire d'une manière graduelle, avait lieu tout d'un coup ? Il ne descendrait plus alors du ciel des gouttes de pluie, mais de pesantes colonnes d'eau qui, dans leur chute, ébrancheraient les arbres, écraseraient les récoltes et feraient crouler les toits de nos habitations. Mais, loin de prendre cette forme dévastatrice, la pluie tombe gouttes par gouttes, comme en passant à travers quelque crible disposé à dessein sur son trajet pour la diviser.
Et voyez comme, à son tour, la plante est admirablement disposée pour utiliser la pluie, pour en recueillir les gouttes et les amener aux racines Les feuilles, au lieu d'être planes ou bombées et inclinées vers l'extérieur, ce qui ferait rejaillir la pluie en dehors du terrain occupé parla plante, se recourbent généralement en dessus, dans le sens de leur longueur, se creusent en gouttière inclinée vers l'intérieur, pour amener, de proche en proche, les eaux pluviales aux rameaux, aux branches, et enfin à la tige, qui les conduit au sol, où plongent les racines. Une intelligence providentielle a déterminé le poids des gouttes de pluie pour en accommoder le choc à la délicatesse des plantes ; elle a tracé la forme des feuilles chargées de recueillir la pluie.
D'après la position géographique de la France, il est aisé de prévoir quelle doit être, en général, la direction des vents qui amènent la pluie et de ceux qui amènent la sécheresse. Un courant d'air, en effet, doit être d'autant plus chargé d'humidité, qu'il a balayé sur son trajet une nappe d'eau plus étendue et plus chaude. Au sud de la France se trouve le bassin de la Méditerranée. Le vent du sud, qui glisse sur ses eaux, doit être et est en effet généralement pluvieux. Il en est de même du vent d'ouest, qui assemble sur nos côtes océaniques les vapeurs de l'Atlantique. Au contraire, le vent d'est, qui ne rencontre sur son trajet pour arriver jusqu'à nous que les contrées centrales de l'Europe, est en général sec. Quant au vent du nord, il est sec et froid, parce qu'il nous arrive des froides régions septentrionales et ne rencontre sur son passage que des bras de mer dont la faible température ne permet pas une abondante évaporation.
La neige doit, comme la pluie, son origine aux vapeurs atmosphériques. Lorsque le refroidissement de l'atmosphère est assez vif, les vapeurs, au lieu de se liquéfier et de se rassembler en gouttes de pluie, se congèlent et deviennent de la neige. Une fois formée, la neige n'arrive pas toujours à terre en descendant, elle traverse des couches d'air moins froides, et il peut arriver ainsi qu'elle se fonde en route et se résolve en pluie avant d'atteindre le sol. Dans ce cas, il neige sur les montagnes élevées, plus froides, tandis qu'il pleut dans la plaine, plus chaude. Mais si les diverses couches d'air qu'elle traverse et le sol lui-même sont assez froids, la neige arrive jusque dans la plaine et s'y conserve plus ou moins longtemps.
Au milieu même de l'été, les sommets élevés sont blanchis de neige par les nuages qui ne versent dans la plaine que de la pluie. C'est ainsi que, dans les pays montagneux, après chaque averse dans les vallées, on voit lorsque le rideau des nuages se dissipe, les pics élevés du voisinage couverts d'une neige récente. Ainsi la neige tombe plus fréquemment et plus abondamment sur les sommets des montagnes que partout ailleurs, à cause de la faible température des hautes régions de l'atmosphère. Sur les sommets très-élevés, la pluie est même inconnue. Tout nuage qui passe y verse de la neige ou du grésil. On entend par grésil une variété de neige composée de petits grains opaques, de fines pelotes intermédiaires entre les flocons de neige ordinaire et les noyaux de glace dure et transparente de la grêle.
Tout est fait avec nombre, poids et mesure. Là où notre regard obtus ne saisit aucune forme régulière, aucun arrangement, le microscope nous montre un art infini. Sous les verres grossissants, la poussière que l'aile du papillon laisse entre les doigts se résout en amas de plumes élégantes, brillant, comme celles du colibri, des reflets des métaux polis. Une gouttelette de sang montre, nageant au milieu d'un liquide incolore, des myriades de disques rouges comme le corail, taillés circulairement avec une exquise précision, tous pareils de forme, tous pareils de grandeur. Leur abondance fatigue le regard et confond la pensée. Un million de ces disques nagent à l'aise dans une goutte de sang suspendue à l'extrémité d'une aiguille. Sous le microscope, le duvet d'une feuille, la poussière jaune des fleurs, l'œil d'un insecte, le panache d'un moucheron, deviennent de véritables merveilles ; une imagination féconde ne pourrait combiner rien de plus gracieux, de plus savamment arrangé.
La neige nous fournit un bel exemple de cette inépuisable richesse de forme jusque dans les plus menus détails de la création. Que croiriez-vous trouver dans un flocon de neige ? Un frêle duvet de glace, et voilà tout sans doute. Mais recevez ce flocon, au moment où il tombe, sur un objet noir et bien refroidi ; prenez un simple verre grossissant, une loupe, et regardez. — Le flocon se compose d'une foule d'étoiles cristallines, à six pointes, d'une régularité, d'une élégance inimitables. Entassées pêle-mêle avec un abandon prodigue, ces étoiles se groupent par dix, par cent ou davantage pour former un petit flocon. — Attendez encore, attendez que le vent tourne et qu'il se fasse dans l'air quelque changement. Aussitôt la neige prend une autre forme. Ce sont bien toujours des étoiles à six pointes ; le plan fondamental en est bien le même, mais l'ornementation en est toute différente. Tantôt l'extrémité des pointes s'épanouit en rosaces ou se couronne d'une pile de losanges ; tantôt elle se hérisse d'aiguilles rayonnantes ou se garnit d'appendices barbelés. Tantôt encore la forme est plus sévère ici, c'est une écaille hexagonale tout unie, ou burinée de dessins en triangles, en hexagones, en étoiles ; là, entre les six pointes fondamentales, six autres ont surgi, formant un soleil à douze rayons égaux, ou plus longs ou plus courts alternativement, et de figure diverse. Mais comment décrire toutes ces formes qui lassent, par la variété de leurs détails, l'examen le plus patient ? Près de deux cents formes ont été reconnues par les observateurs, et il n'est guère possible d'assigner une limite à cette variété d'élégante ornementation dans des corps d'un aussi petit volume. Rappelez-vous maintenant que, chaque hiver, d'immenses étendues se couvrent d'une épaisse couche de neige, dont chaque flocon contient une multitude de ces petites étoiles, chef-d'œuvre chacune d'une savante géométrie ; et voyez si la forme coûte quelque chose à la Main qui répand la neige sur la terre.
source : Jean-Henri Fabre, Aurore, 1874