LA LECOLE TRÉBUCHET
II
Em' uno lausoAvec une pierre plate
Que sus quatre busco repauso,reposant sur quatre bûchettes,
Paul lou mignot, de sero, a fa, dins li bouissounle petit Paul, le soir, a fait, dans les buissons
Souloumbrous dóu jardin, uno leco engranado,ombragés du jardin, un trébuchet engrainé,
Bèn aplanado,bien aplani,
Ounte deman matin se prendra l'aucelou.où demain matin se prendra l'oiselet.
Ris à sa maire,Il sourit à sa mère,
Se coucho countènt, mai dor gaire ;se couche content, mais ne dort guère ;
Touto la niue pantaio e bouscarlo e rigau :toute la nuit il rêve et fauvettes et rouges-gorges :
La som pòu pas veni quand vesès en pensadole sommeil ne peut venir quand on voit en pensée
Leco abeissadotrébuchet tombé
E dessouto belèu un merle, un perdigau.et dessous peut-être un merle, un perdreau.
Tou-bèu-just l'auboA peine l'aube
Fai flouqueja sa fresco raubofait-elle flotter sa fraîche robe
Sus li vitro, que Paul, enuia de soun lié,contre les vitres, que Paul, ennuyé de son lit,
Niflo, siblo, toussis, se freto li parpellorenifle, siffle, tousse, se frotte les paupières,
E lèu apelloet bientôt appelle
Sa maire que l'embraio e nouso si soulié.sa mère qui lui met les culottes et lui noue les souliers.
Mai se devinoMais il se trouve
Que d'aquesto ouro la plouvino qu'à cette heure la gelée blanche
Esgarrussis lou sòu de si plumet de gèu.hérisse le sol de ses houppes de glace.
Deforo tout lusis. La tepo es argentado,Dehors tout reluit. La pelouse est argentée,
E l'alenadoet le souffle
De l'auro fai vaula de tubèio de nèu.de l'air fait voler des fumées de neige.
Es rèn. Li braioCe n'est rien. Les culottes
Messo, lou drouloun pren la draio,mises, le petit prend le sentier,
E tout caud de soun nis à la leco s'encour.et tout chaud de son nid s'encourt au trébuchet.
Ah ! qu'es eiçò ? La lauso, aièr bèn adoubado,Ah ! qu'est-ceci ? La pierre, hier bien préparée,
Es pas toumbado ;n'est pas tombée ;
Un di quatre bastoun es, bessai, un pau court.un des quatre bâtons est peut-être un peu court.
Uno autro brocoUne autre bûchette
Es alestido que just toco.est préparée qui juste touche.
Mai lèu lou gòbi vèn à si det en travai ;Mais bientôt l'onglée vient à ses doigts en travail ;
Lou nas es uno font, l'auriho vounvounejo,le nez est une fontaine, l'oreille bourdonne,
La gauto frejola joue froide
S'encremesis. L'enfant fai la bèbo e s'envai.se colore de rouge. L'enfant fait la moue et s'en va.
— Se l'auceliho— Si les oiseaux
A pas bequeta la graniho,n'ont pas becqueté le grain,
Ié dis la maire, avié pas fam. Veici la nèu,lui dit la mère, ils n'avaient pas faim. Voici la neige,
La nèu que toumbo. Ve ! coume debano espesso !la neige qui tombe. Regarde ! comme elle descend épaisse !
Te fau proumessoJe te promets
Que deman l'auceloun pitara, moun agnèu. —que demain l'oiseau donnera dans le piège, mon agneau. —
La matinado,La matinée
Lou bèu proumié marca si piadotout le premier marquer ses traces
Sus lou lusènt tapis qu'esquicha dóu talounsur le luisant tapis qui, pressé du talon,
Cracino douçamen e vous fai de galocho,craque doucement et vous fait des galoches,
Noun, rèn n'aprocho,non, rien n'approche,
L'ivèr, d'aquéu plesi pèr lou brave Pauloun !l'hiver, de ce plaisir pour le brave petit Paul !
Li bouissounadoLes touffes de buissons
Souto la nèu soun amagado.sont cachées sous la neige.
Anen vèire tamben : — E part. Mai pataflòu !Allons voir cependant : — Il part. Mais pataflòu !
Tres fes resquiho en routo, e tres fes s'escagasso.Trois fois il glisse en route et trois fois il tombe.
Lèu se ramasso,Vite il se ramasse,
Vai de mourre-bourdoun... Bon ! la leco es au sòu !il va à plat ventre. Bon ! le trébuchet est à terre !
La joio santoLa joie sainte
Dóu paradis en soun cor canto ;du paradis chante en son coeur ;
Mai lou det sus la bouco, espanta, pensatiéu,mais le doigt sur la bouche, étonné et pensif,
Auso pas esclargi lou mistèri di causo.il n'ose éclaircir le mystère des choses.
Enfin la lauso Enfin la pierre
Es levado. Que i'a ?... Rèn, mis ami de Diéu !est soulevée. Qu'y a-t-il ? .. Rien, mes amis de Dieu.
Mai doulour taloMais telle douleur
A l'enfantoun es pas mourtalo.à l'enfant n'est pas mortelle.
Lou cassaire mignot a lou pitre di fort ;Le jeune chasseur a l'estomac des forts ;
Escoubo de la man, alestis plaço seco,il balaie de la main, prépare place sèche,
Refai la leco,refait le trébuchet,
E lèu soun óublida lis auvèri dóu sort.et vite sont oubliées les mésaventures du sort.
Toujour mountado,Toujours monté,
La leco es vint fes vesitado ;le trébuchet est cent fois visité,
Tant e tant qu'à la fin toumbo, paf ! e se vèitant et tant qu'à la fin il tombe, paf ! et se voit
En deforo uno co. De-qu'es ?... Uno petousoen dehors une queue. Qu'est-ce ?... Un troglodyte
Pauro crentouso,pauvre apeuré
Espóutido ; Pauloun es plus urous qu'un rèi.tout écrasé. Petit Paul est plus heureux qu'un roi.
Dins si maneto,Dans ses mains,
Lis dos rejouncho en cabaneto,Les deux jointes en petite cabane,
Vite adus l'auceloun e s'encour embrassavite il apporte l'oisillon et court embrasser
Sa maire, trefouli d'uno tant bello cassò,sa mère, tout joyeux de si belle chasse,
Que vau becasso,qui vaut bécasse,
Pluvié, vanèu, canard e gabre enrabassa.pluvier, vanneau, canard et dindon bourré de truffes.
IIII
Dins la vido, moun bèu, se n'en pauso de lecoDans la vie, mon beau, il s'en pose des trébuchets
Que soun toujour en l'èr, o quand toumbon n'a rèn.qui sont toujours en l'air ou n'ont rien quand ils tombent.
Alor, esglaria, lou costo-en-long rebeco ;Alors, effaré, le paresseux proteste ;
Tu fagues pas ansin, mignot e faras bèn.toi, ne fais pas ainsi, petit, et tu feras bien.
Vai toujour de l'avans ; coumenço, recoumençoVa toujours de l'avant, commence, recommence
La leco ounte se pren noste courchoun de pan,le trébuchet où se prend notre morceau de pain,
E t'alasses jamai. Emé de persistenço,et ne te rebute jamais. Avec persévérance
Ço qu'es umble maset s'enausso de dès pan,ce qui est humble cabane s'exhausse de dix pans,
E s'estiro en oustau que nous tèn à la soustoEt grandit en maison qui nous tient à l'abri
Quand lou vieiounge vèn, renous dins un cantoun.quand la vieillesse arrive, grondeuse dans un coin.
Gardo ta bello fe, ta fe que rèn desgousto ;Garde ta belle foi, ta foi que rien ne dégoûte ;
Refai, refai ta leco, o moun brave enfantoun !refais, refais ton trébuchet, ô mon brave petit !
E se d'asard, un jour, la casso espetaclousoEt si par hasard, un jour, la chasse merveilleuse
Qu'as, de-segur, cènt fes bèn meritado autantque tu as, pour sûr, cent fois bien méritée autant
Que degun, n'es pas mai qu'uno pauro petouso,que personne, n'est qu'un pauvre troglodyte,
Siegues pas despichous, car tóuti n'an pas tant.ne sois pas dédaigneux, car tous n'en ont pas autant.